Voici la team “Pas à Pas“, 6 conteureuses (Hassen Ayèche, Isabelle Fesquet, Laurence Bonnafous, Samuel Larès, Aurélie Piette et moi !) qui travaillent à la création de leur spectacle solo. Un travail individuel ET collectif pour partager nos regards et nos idées.
Un an de recherches, de rêveries, de doutes, de travail accompagné par le conteur Jihad Darwiche et porté par le Centre des Arts du Récit de Grenoble. Sur la photo il y a aussi Layla Darwiche et le philosophe Bernard Bénattar qui nous ont fait l’honneur d’offrir leurs regards sur nos créations.
Chaque conteureuse a choisi un thème ou un récit différent : la Sicile, Gilgamesh, la retirada, les mots qui manquent, l’amour….
J’ai choisi le SAUVAGE
Pourquoi ce thème ?
J’ai vécu dans une maison en bois au creux de la forêt, au bord de la rivière, pendant trois ans. Sans eau courante et peu d’électricité. Cette expérience a élargi ma compréhension intime de ce qu’on appelle « nature ». Le chant des arbres, le passage des animaux, les humeurs de la rivière sont venues peupler ma solitude. Le froid, l’eau, le soleil, le vent sont devenus des éléments auxquels mon corps et mon quotidien devaient s’ajuster constamment. Un mot m’a accompagné pendant cette expérience, il a d’abord formé un cocon puis s’est déployé à l’intérieur : « sauvage ». Quand il a éclos, je l’ai cueilli, je l’ai observé. Il avait tant de facettes.
J’ai découvert le sauvage qui accompagne. La nature qui nous soutient, qui pourvoit à nos besoin à travers le vivant : l’eau qui nous abreuve, les plantes et les arbres qui nous nourrissent et nous soignent, les animaux qui sont une ouverture vers le vivant. Et le souvenir que nous sommes vivants PARMI ces vivants. Un maillon parmi les autres. Une humilité riche de liens et d’échanges.
J’ai découvert le sauvage qui paralyse. La terreur face à un risque mortel. Et la force de vie incommensurable qui l’accompagne. Cette frontière où l’humain se transforme, dépassé par des forces et des émotions qui le submergent. La violence et la puissance de la colère qui dévore tout.
C’est ce point de bascule qui m’a questionné. J’ai voulu travailler particulièrement sur cette frontière, ce passage, cette transformation de l’humain au sauvage et du sauvage à l’humain. Interroger le sauvage qui nous entoure mais aussi le sauvage qui est en nous. La matière symbolique des histoires me paraissait idéale pour aborder cette thématique en préservant sa complexité et sa multiplicité de sens.
A partir de contes choisis, travaillés, tordus, rencontrés j’ai rassemblé une matière qui forme maintenant une jolie trame, le squelette de mon spectacle !
Raconter c’est un peu comme sculpter. On part d’un bloc de roche, on l’observe, on sculpte d’abord grossièrement puis de plus en plus finement. Puis on le polit. C’est alors que le personnage qui émerge du bloc semble avoir été toujours là, à attendre qu’on le révèle au grand jour. Et le sculpteur à l’air de n’avoir été qu’un découvreur de ce qui s’y trouvait déjà.
Je suis maintenant en train de polir mes histoires pour qu’elles soient fines, profondes et lumineuses.
La première représentation de ce spectacle fraichement né aura lieu en mai pendant le festival des Arts du Récit de Grenoble. Je me sens si honorée de pouvoir raconter au sein de ce festival qui compte parmi les plus grands festival de conte de la francophonie.
J’espère que mes histoires deviendront aussi généreuses, subtiles et profondes que celles de mes enseignants conteureuses. Mais c’est un apprentissage lent, long et qui se fait pas à pas.