Il faisait presque nuit quand j’ai retrouvé mes acolytes Céline et Corine au Moulin des Chérottes. La bâtisse est blottie quelque part en Normandie entre des érables centenaires et une rivière discrète.
Le moulin nous accueille depuis quelques années déjà, on s’y sent comme à la maison, on y a nos petites habitudes. Alors après avoir ajouté une touche de poésie et de beauté à la salle de danse, on a sauté dans la piscine chauffée. La température était parfaite ! Le lendemain matin, les exploratrices sont apparues avec leurs sourires francs et leurs cœurs hésitants. C’était des retrouvailles avant tout, la plupart étaient déjà venues mais quelques unes plongeaient dans l’aventure pour la première fois. On a commencé tout doux pour que chacune prenne le temps d’atterrir et pour s’apprivoiser aussi.
Après une journée de danse, la nuit est tombée, nous nous sommes rassemblées au bord de la rivière, une prière à l’eau a été célébrée accompagnée par les flammes des bougies. Puis nous sommes entrées dans l’eau chaude de la piscine. Les rires ont rebondit sous le dôme transparent, on a trinqué à l’eau de vie et la boum aquatique a démarré ! C’est là que ça a vraiment commencé.
J’avais hâte de leur raconter mes histoires et de leur proposer mes ateliers. Faut dire que ça faisait des mois qu’on préparait. La création prend toujours du temps, un moment de maturation nécessaire pour toucher la justesse des choses. Quand j’ai commencé à raconter les histoires, quelques larmes se sont mises à couler sur les visages qui me regardaient. Pas des larmes de tristesse mais des larmes de femmes prêtes à se laisser surprendre par leurs émotions. Prêtes à être là toute entière avec tout ce qu’elles ont au-dedans. Et ça m’a touché, cette confiance à cet instant pour les guider dans un voyage au coeur d’elles mêmes. La musique a résonné, les yeux se sont fermés sur leurs intérieurs, les mouvements naturels ont émergé. Des danses de peau, de protection, de puissance, de vulnérabilité. Des danses impérieusement nécessaires pour les corps et les âmes. Il suffit parfois d’ouvrir des espaces pour retrouver le chemin vers soi-même. Un chemin d’apaisement et de sagesse profonde. Je suis reconnaissante aujourd’hui de pouvoir transmettre ce qui m’a été transmis. Et de voir à quel point les mots justes peuvent faire apparaître des portes intimes et nous transformer doucement.
Vingt et une femmes se sont abandonnées à nos folles propositions dansées pendant trois jours. Trois jours de rires, de légèreté, de profondeur, de rencontres et d’amour. Un amour très grand, le genre d’amour au-delà de nous, qui forme une bulle et nous nourrit pour les semaines à venir. Prendre le temps de voir le beau dans le rouge des feuilles d’automne, dans le brillant des yeux, dans les gouttes d’eau qui scintillent.
L’eau chaude nous a accueillie comme une mère, elle nous a bercées, enveloppées, contenues. Tour à tour elle s’est faite source joyeuse, vague tempétueuse, onde sensuelle et cascade nourrissante. Nos rires d’enfants ont jailli depuis nos ventres. Et quand les émotions étaient trop denses, nous allions nous reposer dans le jacuzzi du jardin.
La terre n’a pas été en reste pour soutenir notre nichée. Dans la salle, la musique et parfois les coups de tambours ont porté nos explorations vers des contrées sauvages enfouies en nous. Les pas frappés au sol, les voix portées, l’intensité des présences ont formé les traits d’une meute éphémère et douce.
Ces quelques jours, dilués et hors du temps, ont été avant tout un espace de liberté comme en s’en accorde rarement. Un moment pour rencontrer toutes les histoires, les images et les invisibles qui nous constituent. La liberté de prendre soin de notre humanité.
Le retour à la maison a été lent. Je garde bien au chaud la confiance et la solidité du week-end pour naviguer vers d’autres aventures.
Laissez-vous envelopper par la vie.
Léone